Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BANGKOK
14 juillet 2006

En arrivant à Bangkok il y a un peu plus d’un

perron56

En arrivant à Bangkok il y a un peu plus d’un mois, j’avais reçu un message me confirmant que ma proposition d’exposition Calcutta avait été retenue par la Maison des Indes.

Hier soir j’ai reçu via email la maquette du carton d’invitation et du texte de présentation.

Maintenant il me reste à choisir et réaliser les images.

La maquette semble réussie, couleur chocolat, quant au texte il reflète pas trop mal ce que je veux montrer. Calcutta ville sophistiquée et voluptueuse à l’encontre des idées reçues.

J’ai répondu à La Maison des Indes puis je n’ai fait que lire et faire des siestes.

Aujourd’hui c’est le 14 juillet et nous ne sommes pas sortis de l’hôtel.

On regarde le lac de la terrasse et on lit. Il pleut, puis une minute plus tard il fait soleil et le lac est gris jaune, puis une minute après le lac est vert émeraude et il pleut en même temps qu’il fait soleil.

Raphaël lit Un américain tranquille de Graham Greene et moi toujours Les rizières rouges qui me donnent toutes les informations intéressantes pour une série hypothétique l’an prochain à Phnom Penh.

C’est exactement ce que je cherchais, la vie au quotidien des correspondants de guerre entre Singapour qui en 1965 semble plus ressembler à Calcutta aujourd’hui qu’à la ville de verre asseptisée qu’elle est devenue… Saigon envahit par les américains, Phnom Penh à feu et à sang, Hong Kong dernière base de l’Empire...

Les correspondants sont ce que j’imaginais, aussi bien des fils de Mandarins de la Chine du Nord exilés à Hong Kong que des fils de fermiers australiens, tout à la fois idéalistes et galvanisés par le risque.

Le héros (fils de fermier australien) tombe amoureux de l’Asie dans le quartier chinois de Singapour à peu près pour les mêmes raisons qui m’ont rendue Calcutta ou Bombay si nécessaires aujourd’hui.

En fin de matinée, je me suis assis dans la bibliothèque et j’ai trouvé le second tome du journal de voyage du Comte de Beauvoir, Pékin, Yeddo, San Francisco écrit en 1876.

J’avais lu le premier tome il y a deux ans, Chris Marker le mentionnait, disant que c’était l’un des plus beaux récits de voyage qu’il avait lu.

J’en pense la même chose, avec ceux de Chris Marker lui-même et son chef d’œuvre Film/journal de voyage japonais Sans Soleil, les récits d’Alexandra David Néel et ceux de Victor Segalen.

D’autres me plaisent sans me procurer le même souffle que ces quatre auteurs, Nicolas Bouvier qui dit des choses magnifiques sur le voyage mais qui correspond moins à ma sensibilité, trop friand d’efforts, de privations pas assez enclin au plaisir… peut-être trop « chrétien » pour moi, même si je l’admire beaucoup.

Et puis il y a les récits de voyages écrits ou filmés qui m’énervent, certains intelligents et bêtes à la fois comme ceux de Leiris ou les films sur l’Inde de Louis Malle, superbes pour ce qui est de l’image et fatigants avec cette voix off plaintive qui raconte combien le porteur de sable qu’on voit grimper l’échelle en ce moment gagne de roupies et que c’est un scandale d’y penser quand on sait que etc. etc.

Et il enchaîne sur les conditions de travail ou d’hébergement de... croyant désigner la vérité alors qu’il ne fait que déplier des paravents devant cette supposée vérité avec ce discours politique d’un occidental des années 60.

Les indiens méprisent ses films et je les comprends, comme ils sourient poliment chaque fois qu’un occidental imagine de son devoir de poser ouvertement ou avec malice le problème du système des castes, alors que ce qu’ils en savent ne dépasse guère ce qu’ils ont appris dans un article de presse…

Il faudrait leur expliquer 8000 ans d’histoire, puis qu’ils s’informent sur la complexité mathématique de ces systèmes et sur leur capacité de transformation « non apparente » et enfin qu’ils se demandent pourquoi les indiens sont ce qu’ils sont aujourd’hui malgré tout ce qui s’est interposé sur leur route et pourquoi nous sommes en Europe si angoissés par ce que nous avons fait de nous mêmes et dont on ne sait plus trop que faire…

Dans ceux qui m’énervent il y en a qui n’ont pas même le talent de Louis Malle.

J’avais emporté avec moi un livre, Bangkok la nuit que j’ai du abandonner tant il me mettait en colère.

Deux journalistes, une femme et un homme, en poste à Bangkok depuis dix ans qui pensant connaître la ville veulent nous faire profiter de leurs connaissances.

Ils décrivent les mêmes personnes que je regarde avec délice, dîner dans la rue, rouler sur leurs scooters avec légèreté, élégance et humour comme s’ils décrivaient des insectes avec englués dans un monde qui aimerait bien mais qui n’y arrive pas.

La fureur de vivre minable de la jeunesse motorisée de Bangkok, les restaurants avec les soupes crasseuses et les chemises ridicules qu’ils portent etc.

Ces auteurs étant amis de connaissances communes j’ai pensé leur envoyer une lettre d’insultes puis j’ai préféré laisser tomber le livre préférant faire avancer ce que je vois plutôt que de me battre bêtement contre des esprits qui parlent du monde comme d’un objet de consommation.

C’est tout le génie de Chris Marker ou du Comte de Beauvoir qui parlent tous deux du Japon à un siècle de distance, leur pensée est la même.

Si le décor qu’ils décrivent est différent, le monde qu’il font apparaître par leurs mots est le même monde. C’est ce qui m’a sauté aux yeux ce matin…

Ils sont absorbés par ce Japon sans préjugés d’époque, il décrivent regardent font apparaître ce qu’il y a de plus beau dans ce qui se déroule devant leurs yeux comme s’ils parlaient de la personne qu’ils aiment… essayent d’apprendre tout ce qui se cache derrière les apparences avec une curiosité et une intelligence tellement jouissives qu’elles en deviennent presque érotique.

Le monde qui apparaît sous la plume du Comte de Beauvoir est le monde des estampes de Hiroshige ou Hokusai. Aussi irréel, humain et sophistiqué à la fois…

Puis il aborde les notions de voyage et d’errance avec beaucoup de finesse et sans commodité intellectuelle.

Enfin voilà quatre chef d’œuvres pour chasser les visions dérisoires de ceux qui parlent du monde comme s’ils décrivaient ce qu’ils voient à la télévision.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Je profite d'une soirée calme au Diben, face à la mer à l'heure du soleil couchant, pour visiter ton blog... Il faut que tu arrêtes la sieste, on dirait que cela t'énerve ! lol<br /> Mille bises salées de Bretagne ensoleillée
BANGKOK
Publicité
Publicité